Décernée chaque année à de jeunes chercheurs européens, cette bourse permet de financer des projets scientifiques ambitieux, avec une liberté scientifique totale. Label d’excellence extrêmement reconnu, l’ERC Starting Grant confère aux chercheurs sélectionnés une visibilité nationale et internationale, permettant de recruter des collaborateurs de premier plan.
Elsa Bernard, à la tête de l'équipe d’oncologie computationnelle à Gustave Roussy, s’est vu décerner le 4 septembre la prestigieuse bourse European Research Council (ERC) Starting Grant. Cet appel à projets très sélectif est destiné aux chercheurs européens, 2 à 7 ans après la soutenance de leur thèse et porteurs d’un projet scientifique ambitieux.
Cette bourse va soutenir le projet de recherche d'Elsa Bernard, intitulé « CHIC », qui vise à comprendre comment certaines mutations acquises dans les cellules souches hématopoïétiques, à l’origine de toutes les cellules sanguines, influencent l’émergence et l’évolution des cancers hématologiques, mais aussi de certaines tumeurs solides.
Avec l’âge, les cellules hématopoïétiques, principalement situées dans la moelle osseuse, acquièrent de nombreuses mutations somatiques, des erreurs dans leur ADN. À mesure que ces cellules mutées se répandent dans l’organisme, on parle d’hématopoïèse clonale. Dans la majorité des cas, cette anomalie reste bénigne, mais dans certains cas, elle peut évoluer vers une hémopathie maligne. Lorsque ce phénomène apparaît chez une personne qui n'a jamais souffert de maladie sanguine, les médecins évoquent une hématopoïèse clonale de potentiel indéterminé, ou CHIP.
L’âge n’est cependant pas le seul facteur de risque. En effet, les patients atteints de cancer présentent une prévalence de CHIP plus élevée que la population générale, et la chimiothérapie ou la radiothérapie constituent des facteurs favorisant son apparition.
Ce statut est primordial à déterminer, puisque le CHIP augmente le risque de développer des cancers du sang rares mais agressifs (syndromes myélodysplasiques ou leucémies myéloïdes aiguës secondaires) et des maladies inflammatoires chroniques. Enfin, des études suggèrent une association entre CHIP et une incidence accrue de certains cancers solides, tels que le cancer du poumon. Autant de données qui soulignent l’importance du statut CHIP dans le développement de maladies, qu’elles soient cancéreuses ou non.
La manière dont l’hématopoïèse clonale évolue en cancers du sang, ou la façon dont les cellules souches mutées peuvent influencer l’évolution de nouvelles tumeurs solides, reste cependant mal comprise. Le projet « CHIC » porté par Elsa Bernard cherche à décrypter ces mécanismes.
« En étudiant la manière dont les cellules hématopoïétiques mutées évoluent dans le temps et interagissent avec d’autres cellules, comme les cellules tumorales malignes, notre objectif est d’améliorer la prise en charge et la prévention du cancer pour les 25 % d’individus présentant une hématopoïèse clonale », explique Elsa Bernard.
La chercheuse entend développer une approche multidisciplinaire, alliant approches mathématiques, intelligence artificielle, biologie et oncologie de précision. L’objectif est de développer des outils de diagnostic et de stratification du risque pour détecter de manière précoce le statut CHIP des patients en pratique clinique courante, mais également d’élucider comment cette hématopoïèse influence l’évolution tumorale.
« Ce projet a le potentiel de transformer notre compréhension et la prise en charge du statut CHIP chez les patients », conclut Elsa Bernard.